L’histoire de Mélissa

Mélissa – Produit par Santé Canada

Narrateur : 

Bien en vue est une série audio produite par Santé Canada, qui explore les histoires personnelles de personnes touchées par la crise des opioïdes. 

Chaque jour, environ 11 personnes meurent d’une surdose d’opioïdes au Canada. 

On le voit au bulletin de nouvelles. On est conscient que ça arrive. On sait que c’est vrai. Mais on se dit que ça ne pourrait pas arriver à quelqu’un qu’on connaît, à un collègue, aux gens qu’on aime, et qu’on est nous-même à l’abri. 

En réalité, la crise des opioïdes bat son plein bien en vues et peut toucher n’importe qui. Des milliers d’histoires en témoignent. 

C’est ici que l’histoire de Mélissa commence… 

Mélissa : 

J’avais une bonne emploi comme préposée aux bénéficiaireseuh… qui avaient le cancer des os, en phase terminaleJ’avais un super beau condo, euh… une belle voiture neuveune voiture sport Tiburon, manuelle. Ma famille me croyait pas que j’étais pour l’obtenirmais je l’ai euÇa l’a été une fierté pour moiJ’avais pleins de bons amis, et je consommais de la coke à l’occasion. Puis mes relations familiales allaient super bien. 

À 14 ans, au secondairej’me tenais avec des p’tits gars d’Ottawapis on consommait de la speed. À 18 ans j’ai rencontré un gars, une relation sérieuse qui a duré 7 ans. L’infidélité a faite en sorte qu’on se laisse, puis j’ai alors commencé à faire de l’escorte vue que c’était payantJ’ai commencé à mettre des annonces dans le journal. J’ai fait d’la porno pis ça m’a amené à apprivoiser le crime organiséJ’me sentais « safe » avec eux autres pis si jamais y m’arriverait quelque chose ben j’ai juste besoin des appeler pis s’est faite. 

C’est alors qu’un d’eux autres est venu habiter chez moi. Pis, j’voulais l’aider sans savoir ce que ça m’amènerait. Suite à une surdose que la personne à l’a faite j’lui ai sauvé la vie. Pis il cherchait une façon à me remercier en m’payant mon loyer pis en m’initiant à l’héroïne que lui me payait puis j’avais 24 ans à ce temps-. 

J’ai réalisé que ça allait pas à l’âge de 28 ans. Je consommais de l’héroïne, du crack, d’la speed, les oxys et du fentanyl. Toute à basculer quand j’ai tout perdu. Mon chum, mon appartmes amismes meubles, mon linge et mon hygièneJ’avais honte de moi. Je me suis même rendue jusqu’à squatter des maisons abandonnées  il y a aucun chauffage et aucune eau courante. J’avais des dettes envers les vendeurs de drogues et aussi le gouvernementJ’ai fraudé les banques en mettant des enveloppes vides dans l’guichetJ’avais à peu près une vingtaine de carte de crédits variée entre 100 dollars et 5000 dollars. J’ai perdu mon permis de conduireJ’ai maintenant un casier judiciaire et tout le monde sait que quand on a un casier judiciaire on est pris à travailler au salaire minimum le restant de notre vie. Ma voiture a été repris par la compagnie vu que je pouvais pus faire les payements. Je suis donc rendu à 28 ansj’ai fait faillite et je suis aussi rendue avec une probation pour les trois prochaines années. 

Donc, chu donc rendu à 28 ansj’me retrouve à la rue, plus de logement, plein de dettespu d’autopleins de problèmes familiales pis j’savais pu quoi faire. Mon instinct s’est mis en mode survieRèglement numéro 1 c’était la consommation. À chaque heurechaque minute, et à chaque seconde d’la journée, je dois avoir mon « fix ». Je me suis retrouvée chez tel personne pour quelques jours et chez l’autre pour quelques jours. Des fois j’avais pas de place à coucher donc je couchais sur un banc de parc dans n’importe quel parc. 

J’avais plus d’hygiènepuis je pesais 80 livres. J’mesure 5 et 6, donc je devrais techniquement peser 125 livres. J’étais littéralement la peau et les os. Quand j’avais pas d’argent pour me payer ma dope, j’me tournais vers la prostitution ou même plus facile que ça, je couchais avec les vendeurs de drogues en échange de consommation. 

La consommation c’est vraiment un démon qui pense pour toi, qui agit pour toi, et elle te contrôle d’une façon si cruelle. Elle te démolit carrément . Je consommais avec plusieurs personnes. Puis le monde te vole il te manipule pour avoir ta consommation. Quand t’habite dans la rue, ta vie est constamment en danger. J’avais encore plus de problèmes avec la justice et entre autres, encore une probation, et encore plus de problèmes familiaux. 

J’ai habité dans la rue pendant 3 ans. Après 3 ansj’étais littéralement épuisée physiquement et mentalement. En janvier 2018, je suis entrée en thérapie pour la première fois de ma vie aux CRDO [Centre de réadaptation en dépendance de l’Outaouais]. J’ai resté deux semainesparce que je pensais que j’étais pour être guérie après en sortant de thérapieC’est vraiment dure une thérapie pour quelqu’un qui consomme. On a peur, on ne sait pas à quoi s’attendreC’est du changement et des fois on n’est pas prêt à changer. 

J’ai fait des rechutes, après rechutes, et on retourne toujours à nos anciens patterns de consommation. Chu retournée en thérapie en mai 2018 et j’ai réussi avec succès, ma thérapie de 38 jours. On est « safe » en thérapieJ’ai réussi et j’en suis fière. On apprend beaucoup de chose en thérapie mais la plus importante quand qu’on sort c’est la la, comment qu’les gens réagissent en te voyant t’es t’en santét’a pris du poidst’a pu de cerne pis c’est merveilleux. Maintenant je vais bien, mais j’ai chuté à la 75ième journée… pourquoi? Parce que je suis retournée dans mes anciens patterns de consommation. 

Sur moi-même j’ai appris que j’étais belle, que je peux être heureuse sans la consommation. Je dois penser à moi avant les autresC’est important de parler à quelqu’un quand ça va pas. Je suis redevenu indépendante. Je suis rendue aujourd’hui à 32 ansj’ai mon appartement, je me cuisine de la bouffe, je suis importante et que c’est vrai dormir la nuite porte conseils. Je pèse 115 livres. Ça fait 2 mois et 2 jours que je n’ai pas consommé. Il faut travailler fort, mais ça vaut la peineÊtre heureuse et plus consommer est le plus beau cadeau que j’aurais pu m’offrir. 

J’ai aussi appris que quand je consommaisj’avais plein d’amis. Et maintenant mes anciens amis me trouvent plate, et c’est normal, je ne consomme plus. Je me suis rebâtie un nouvel entourage, j’ai confiance en moi et ça c’est l’important. Envers la société, vu que j’ai un casier judiciaire, je suis étiquetée comme criminelle. Les gens jugent trop vitequand tu consommes les gens te traitent de toute sorte de noms : salopecharrue, junkie, pétasse, etc. Maintenant que je suis sobre les gens me voient comme une bonne personne sérieuse et à son affaire, et aussi bien important, une citoyenne responsable. 

Je fais aussi partie de l’association l’Addict qui est pour les gens qui consommeou qui consomme pu. Je pars le 30 décembre 2018 pour une thérapie de 3 mois à Ottawa et j’en suis fière. Cela va être mon défi pour l’année 2019. Je souhaite pouvoir dire que oui c’est dur, et c’est pas facile mais prenez le temps ça vaut la peine. Je vais super bien et je veux que ça aille encore mieux. Après mon 3 mois j’aimerais ravoir mes permis de conduirefinir de payer mes dettes, et être bien heureuse et surtout souriante. Faut pas que t’aille peur de demander de l’aideÇa vaut la peine, bonne chance à tous. Mon nom est Mélissa C. 

Narrateur : 

La vie de plusieurs Canadiens est dévastée par la consommation problématique d’opioïdes. Les statistiques sont tragiques et sidérantes. Derrière ces statistiques, il y a des gens. Cette crise a un visage. C’est celui d’une amie, d’un collègue, d’un proche. Quand on regarde dans les yeux d’une personne touchée et qu’on voit son propre reflet, c’est par là que commence l’élimination de la stigmatisation qui empêche souvent les gens qui consomment de la drogue d’obtenir de l’aide. Pour en savoir plus sur la crise des opioïdes, rendez-vous au Canada.ca/Opioides. 

Cette série audio est produite par Santé Canada. Les opinions exprimées par les personnes qui témoignent pendant cette émission sont celles de ces personnes et non celles de Santé Canada. Santé Canada n’a aucunement validé l’exactitude des propos entendus pendant l’émission. Reproduction de ce contenu, en tout ou en partie, à des fins non commerciales est permise.