L’histoire d’Elsa

Elsa – Produit par Santé Canada

Narrateur : 

Bien en vue est une série audio produite par Santé Canada, qui explore les histoires personnelles de personnes touchées par la crise des opioïdes. 

D’après les statistiques les plus récentes, environ 12 personnes meurent chaque jour d’une surdose d’opioïdes au Canada. 

On le voit au bulletin de nouvelles. On est conscient que ça arrive. On sait que c’est vrai. Mais on se dit que ça ne pourrait pas arriver à quelqu’un qu’on connaît, à un collègue, aux gens qu’on aime, et qu’on est nous-mêmes à l’abri. 

En réalité, la crise des opioïdes bat son plein bien en vue et peut toucher n’importe qui. Des milliers d’histoires en témoignent. 

Elsa est intervenante pour un organisme en réduction des méfaitsChaque jour, elle offre soutien et compassion aux personnes aux prises avec une consommation problématique de substances. Voici son histoire 

Elsa : 

Je m’appelle Elsa. Je suis intervenante. Dans le fond, ce que c’estc’est vraiment de travailler avec la personne qui est devant nous selon ses besoinsmais toujours par rapport à la consommation. On peut lui offrir de venir rencontrer un intervenant pour l’aider avec ses objectifspeu importe quels sont ses objectifs, que ça soit de diminuerd’arrêter, de poser des questions, de s’informer ou de poser des questions sur quelqu’un qui consomme dans sa famille. On leur distribue aussi tout ce qui est matériel de consommation stérile donc des trousses de pipe à crack, des trousses d’injection, on donne des trousses de naloxone puis toujours avec de l’information et de la sensibilisation. Mais on va aussi directement  les personnes qui consomment sont. On se rend directement dans leur milieu, toujours dans le but d’améliorer leurs conditions de vie puis de répondre à leurs besoins au niveau de la distribution puis du matériel qu’ils ont besoin. La personne est vraiment au cœur de nos interventions et de notre mission, l’intérêt de la personne soutenue demeure la priorité. 

Mon gros défi c’est vraiment d’amener les personnes qui veulent s’impliquer, mais qui ont souvent été exclues et jugées, à voir leur vécu vraiment comme quelque chose de positif, quelque chose qu’ils peuvent prendre puis le transmettre à quelqu’un. Que ça devienne vraiment une expérience pour s’aider eux-mêmes et aider les autres aussi. Dans le fond, mon travail me permet vraiment d’encourager ces mêmes personnes-là à livrer leur message, revendiquer leurs droits, nommer les injustices qu’ils ont vécues. Ça passe toujours par redonner le pouvoir à ces personnes-là sur leurs vies, sur leurs droits, sur leur voix, puis ça c’est un défi en soi, parce que de les amener à considérer leur vécu comme une expertise pour aider les autres, c’est pas facile quand on croit qu’on n’est pas accepté socialement. De faire ce cheminement-là, c’est une chose, mais en plus de s’allier à d’autres personnes qui consomment, pas nécessairement la même substance, pas nécessairement le même vécu, pas le même âge, c’est aussi un autre défi. Tu sais, il y a des clash dans les types de consommation, dans les types de substance, juste le mode d’administration… quelqu’un qui s’injecte, quelqu’un qui fume, c’est très très différent, pourtant, on s’entend qu’il y a vraiment beaucoup de similitudes, mais pour les personnes qui le vivent, c’est difficile, tu sais, d’aller créer un lien de confiance avec quelqu’un qui est pas pareil comme nous, ou consomme pas la même chose ou a pas le même âge.  

Je pense que de par mon rôle, vraiment, je les encourage à considérer leur vécu comme valorisant, tu sais. Puis ça, ça leur permet de voir un autre côté de la chose parce que pour certains, c’est la première fois de leur vie qu’on leur dit que c’est quelque chose de positif, tu sais, que c’est une expertise. Alors que eux, ils ont vu ça comme la période la plus lourde de leur vie, ça leur a rien appris. Tu sais, souvent ils ont vécu beaucoup de jugement ou d’exclusion de leur famille même, tu sais, de leur emploi… Ils ont pas de logement, ils sont vraiment dans une situation difficile, puis là ils réalisent pour la première fois qu’ils en ont des droits… On est plusieurs à consommer, tu sais, on est plusieurs à vouloir revendiquer ces mêmes droits-là. Fais que la solidarité dans le milieu, c’est un défi, mais c’est pas impossible. Puis moi je le vois maintenant, puis ça pris du temps, c’est quelque chose qui se bâtit tranquillement, mais maintenant, il y a vraiment une belle solidarité puis un respect par rapport au vécu des autres, peu importe de où la personne vient, puis même quand quelqu’un de plus marginalisé qu’eux vient se joindre au groupe, ils ont vraiment un accueil inconditionnel. Fais que c’est encore plus beau, tu sais. C’est un beau défi, je trouve, que c’est long, c’est quelque chose à long terme, il faut de la patience. Tu sais, une solidarité dans un groupe, ça se bâtit pas en une rencontre. Déjà ils viennent parce qu’ils savent que c’est un moment pour se regrouper entre consommateurs, mais ils savent pas nécessairement où ça s’en va, tu sais. 

Pour aider les personnes qui consomment, on doit vraiment adapter une diversité de services, pour une diversité de personnes. Même chose au niveau de l’accès au traitement de substitution qu’on appelle aujourd’hui traitement antagoniste aux opioïdes, il n’y a pas vraiment de choix offert à la personne, si la personne elle a essayé la méthadone, que ça marchait pas, qu’elle a essayé la suboxone, et que ça marchait pas non plus, qu’est-ce qu’on offre ? Qu’est-ce qu’on offre à la personne qui décide d’entreprendre une démarche sécuritaire concernant sa consommation, qui désire un traitement comme une alternative bénéfique pour sa survie et sa santé, et qui volontairement met de côté les risques de consommer une substance contaminée, mais qui se trouve avec pas d’autres choix que de réessayer le traitement qui n’est pas adapté à son besoin ? Les restrictions liées au traitement peuvent entraîner des conséquences beaucoup plus dangereuses surtout du côté de l’approvisionnement non sécuritaire de substances. Malgré que les médecins peuvent prescrire de l’héroïne médicale, très peu le font, ce qu’on pourrait appeler quand même un accès à un safe supply. Parce qu’on s’entend, aujourd’hui quand on s’approvisionne de manière traditionnelle, ben on n’est pas dans le safe supply. On est vraiment mis à risque de consommer une substance qui est contaminée. Sans parler aussi des conditions, sans oublier les conditions liées au traitement de substitution, le système de privilèges et de punitions mis en place, il est loin de répondre aux besoins de la personne qui consomme. En fait la personne elle doit se rendre tous les jours à la pharmacie, dans une optique de sécurité et de supervision. Le pharmacien va s’assurer que le médicament soit bien ingéré, donc il y a vraiment une supervision au niveau de la bouche. La personne elle doit faire des tests urinaires. Est-ce qu’on a pris simplement le temps de demander à la personne directement qu’est-ce qu’elle a besoin ? Si la personne teste positif à un test urinaire, dans le fond elle peut se faire priver de traitement et elle perd le soi-disant privilège de pouvoir peut-être avoir sa prescription 2-3 jours sans avoir besoin d’aller à la pharmacie tous les jours. On parle de sécurité du patient. Moi je vois tout le contraire parce que quand on prive quelqu’un du traitement que la personne veut — puis faut s’entendre qu’au moment où elle va chercher son traitement, il y a déjà des fois des symptômes de sevrage. Donc elle va attendre le matin pour aller chercher son traitement, mais cette personne-là qui vit des symptômes de sevrage et qui se fait priver de son traitement, ben, où est-ce qu’elle va aller s’approvisionner ? Au niveau de la sécurité, il y a rien de moins sécuritaire que ça, puis ça fait vraiment en sorte que la personne va aller s’approvisionner dans son milieu où elle est habituée d’aller à la place d’avoir son traitement. Il y a plusieurs personnes qui consomment en même temps que le traitement, c’est un fait, je pense qu’il faut vraiment travailler à partir de là. Parce que si on travaille pas à partir du besoin de la personne, ben on nuit à sa sécurité. 

Les personnes qui ont un traitement vivent souvent même du jugement quand elles vont à la pharmacie. Il y a certaines pharmacies qui demandent à ce que les personnes en traitement de méthadone ou suboxone passent par-derrière. Ça déjà pour eux, c’est assez spécial, s’ils sentent déjà qu’il faut que ce soit différent. Puis, moi je me pose toujours comme question… Comment est-ce qu’on leur explique que des personnes qui ont des prescriptions de morphine ont la liberté d’aller chercher leurs comprimés en quantité considérable, de ramener ça à la maison sans jamais faire de test urinaire, sans non plus nécessairement toujours avoir l’information par rapport à ce qui est prescrit. Il y a vraiment un clivage entre les deux, puis faut pas penser que les personnes qui vont chercher leur traitement le voient pas ça. Tu sais, elles se sentent vraiment supervisées, pis c’est quelque chose de difficile pour eux aussi de sentir le jugement du pharmacien chaque fois qu’elles vont chercher ça. Et de demander à quelqu’un d’aller chercher sa prescription tous les jours, c’est aussi pas considérer le vécu de la personne. Une routine dans une vie qui est un chaos, c’est pas facile. Tu sais, ça demande beaucoup beaucoup de temps de se rendre le matin, et ça c’est aussi le fait qu’il y a de l’attente, là. La personne qui va là le matin, c’est pas nécessairement la première personne qui passe et ça arrive, tu sais… moi il y a des personnes qui m’ont mentionné que ils attendent beaucoup plus longtemps que les autres pour avoir leur traitement. Fait que pour moi, c’est vraiment une grande lacune parce que je pense qu’on devrait vraiment offrir une diversité, un choix à la personne, un accompagnement aussi par rapport au traitement et il y a des personnes qui se font mettre sur le traitement sans nécessairement savoir ce que c’est vraiment, sans avoir été averties qu’il va y avoir des symptômes de sevrage chaque fois que tu vas descendre ta dose. Il y a vraiment un besoin d’accompagnement puis d’information des personnes qui veulent le traitement. Il y a aussi tout le fait que, ben en fait on peut prescrire de l’héroïne médicale, mais il y a très peu de médecins qui le font. Fais que c’est pas une option non plus. Je sais qu’il y a des études qui se font par rapport à des traitements injectables, mais on est loin de ça encore. Tu sais, c’est plus difficile, mais quand on pense que les gens s’approvisionnent de manière non sécuritaire et qu’ils meurent, ça serait important qu’on pense vraiment à changer ça parce que là, on parle de personnes qui veulent un traitement. C’est des personnes qui ont déjà fait ce cheminement-là. On ne parle pas de personnes qui veulent pas rien savoir des traitements. Ils sont là, ils le veulent, mais ils n’ont pas l’information, ils savent pas comment ça fonctionne. Ils se sentent pas accompagnés, ils se sentent jugés à la pharmacie. C’est vraiment une grande problématique pour moi. 

La stigmatisation de la consommation et du même fait des consommateurs est probablement la plus grande barrière dans notre travail. Pourtant, nous savons tous que la consommation se retrouve partout, il faut absolument se détacher de l’image de la personne qui s’injecte dans une ruelle entre deux containers. La stigmatisation, les personnes qui consomment la vivent tous les jours et même ceux qui se détachent tranquillement de leur milieu la vivent encore. C’est super décourageant, tu sais, de faire un cheminement, d’arrêter, mais de quand même sentir ce jugement-là des personnes, soit de la famille ou même, tu sais, des policiers, des hôpitaux. Il y a comme une espèce de perte d’espoir en la personne… c’est difficile quand on fait le cheminement, qu’on finit par, tu sais, se valoriser comme : « Je l’ai fait » puis sentir que les regards n’ont jamais changé puis qu’on se fait quand même considérer comme quelqu’un qui consomme puis qui est problématique. Ça, c’est juste assez pour donner envie à la personne de laisser faire. Mais heureusement, moi j’en ai vu plusieurs qui ne laissent pas faire suite à ça puis qui décident de défendre leurs droits, mais faut quand même penser que c’est pas parce qu’on arrête puis on est en cheminement qu’on est nécessairement la personne la plus forte au monde. C’est quand même un moment fragile pour la personne, puis le regard qu’on porte sur eux, c’est tellement important. La stigmatisation, tu sais, on la voit, c’est de se faire arrêter en traversant la rue, puis se faire fouiller, quand il y a d’autres personnes qui traversent la rue qui ne se font pas arrêter. C’est aussi de rentrer à l’hôpital avec un abcès créé par une injection puis de se faire regarder par le personnel comme si on était contagieux, puis dangereux. C’est justement d’aller à la pharmacie puis de devoir passer par-derrière, c’est de se faire dire « t’as juste à arrêter, c’est une question de volonté », c’est aussi se faire étiqueter comme un faiseur de troubles. C’est sûr que de consommer quand on n’a pas de logement, c’est pas mal plus visible, mais est-ce qu’on essaye vraiment de se mettre à leur place de cette personne là quand on trouve ça personnellement dérangeant ? 

Les personnes qui consomment vivent tous les jours une discrimination fondée sur leur statut social, qui provient quand même de plusieurs instances, que ça soit le système de justice, le système de santél’aide sociale, la famillel’entourage… et ça peut être même à l’épiceriec’est vraiment partout. 

Quand on fait de la défense de droit, on le sait qu’on n’est pas tout le temps dans l’opinion publique. On parle de plusieurs problématiques. On parle de solution et c’est pas nécessairement les solutions que monsieur et madame Tout-le-Monde pensent. C’est surtout ça qui est plus difficile je dirais. Le système en ce moment est prohibitionniste et le jugement aussi qu’il a engendré en faisant de la consommation un crime, ça infantilise puis ça stigmatise les personnes qui font usage de drogues, parce qu’on les associe à un fardeau ou encore un danger. Je pense qu’il faut vraiment, personnellement et collectivement, changer notre perspective et s’informer concernant les drogues en soi, mais aussi concernant l’approche de réduction des méfaits qu’on connaît pas souvent, mais qui a démontré les impacts les plus marqués en termes de promotion de la santé, de mise en œuvre des pratiques à moindre risque de prévention de surdoses. En ce moment là, on vit une crise de santé publique, les gens meurent, c’est vraiment une question de vie ou de mort. Derrière les statistiques qu’on voit de surdoses… c’est pas juste des numéros, hein, c’est des personnes et c’est surtout aussi des mères, des pères, des tantes, des grands-pères, des amis, des collègues, qui étaient peut-être plus proches de vous que vous ne le pensez. Le message le plus important, je pense que c’est vraiment de dire que personne n’est à l’abri. On a tous quelqu’un dans notre entourage qui consomme qu’on le sache ou non, mais c’est pas nécessairement problématique pour chacun. Je pense que si vous consommez ou non, faut vraiment s’informer parce que ça peut vous arriver à vous aussi… 

J’ai jamais pensé que c’était un travail facile, mais laissez-moi vous dire que quand je rentre chez nous en toute sécuritéça m’arrive de penser à ceux qui ne peuvent même pas compter sur le mot même, de la sécuritéCes personnes-làelles sont en survieJ’ai compris l’instinct de survie et ça me permet de mieux comprendre leur réalité. Quand on n’a rienqu’est-ce qu’on fait ? Quand on essaie de se mettre à leur place, nous les intervenantsmême nous on se dit des fois qu’on n’y arriverait pas, mais de voir l’impact positif qu’on peut avoir sur leur vie, même quand ils n’ont plus rien, pour moic’est vraiment ça ma paye. 

Quand ça te touche personnellementpuis surtout dans un travail comme çac’est difficile, justement, de…. Tu saist’as une relation avec la personne, qui est vraiment différenteT’es pas sa mèret’es pas son amie, t’es pas une collègue de travail, t’es la personne qui l’aidait par rapport à sa consommation. Quand la personne elle décède, de sa consommation, on se demande vraiment qu’est-ce qu’on aurait pu faire pour changer çatu sais. Mais la réalitéc’est qu’il y a vraiment rien des fois à faire. Nous ce qu’on a faitc’est vraiment d’être . Mais des fois le mal-être il peut pas être guéri. Moi, je ne suis pas médecin, je suis pas psychologue puis malgré tous les professionnels qui peuvent entourer la personne, le mal-être il peut être vraiment profond puis difficile à aller chercher puis à aller mettre un baume -dessus. 

Je pense qu’en tant qu’intervenante, faut tout le temps être sensible au travail émotionnel qu’on fait. On a toujours une barrière quand on travaille avec la personne, on ne prend pas les émotions, tu sais, on est vraiment là pour se mettre à la place de l’autre personne, la comprendre, l’accompagner. Parce que si on prend l’émotion, on n’aide pas pantoute. Si la personne elle pleure puis moi je pleure, il n’y a rien qui marche là. Mais le travail émotionnel, des fois, il est plus important que ça puis on s’en rend pas compte quand on arrive à la maison puis qu’on a vécu, tu sais, quelque chose que… Les gens ils viennent nous voir tous les jours en nous mentionnant tellement des moments lourds de leur vie. On dirait qu’on les lâche jamais, il y a toujours quelque chose qui se passe. Fait que c’est important vraiment de continuer à se reculer de ça quand on arrive à la maison. Je pense que, tu sais, il y a d’intervenants qui sont plus capables de séparer ça. Ça fait pas 20 ans que je fais ça. Fais que je suis encore en train de travailler là-dessus, mais c’est vraiment important parce que justement, il y a une fatigue émotionnelle qui peut arriver. Dans le communautaire, on voit ça souvent. C’est quelque chose qui se passe, les intervenants ils partent en arrêt de travail, ils reviennent. C’est important de préserver notre santé mentale. Puis je pense que c’est important aussi d’être bien entouré dans ton organisme. Moi dans mon organisme, on ne parle pas de congé maladie, mais on parle de congé santé. Ça change déjà la manière de voir la chose. On nous encourage à prendre congé quand on se sent pas bien, pas juste parce qu’on a mal au bras ou mal à la tête. Parce que c’est important pour notre travail de vraiment être là puis prête à écouter la personne malgré, tu sais,  comment on est puis comment on peut se sentir cette journée-là. C’est important. Puis, je pense, c’est la priorité, c’est de se poser la question : « Est-ce que je suis prêt aujourd’hui à aller travailler et à écouter les gens ? » ou je suis bouleversé par certaines choses ou je sens que j’ai pas dormi de la nuit et que je ne serais pas la meilleure intervenante pour la personne. Fais que c’est tout un travail aussi de mettre ses limites puis de penser à ça. C’est quelque chose qui je pense va se travailler toute ma vie. Mais ça fait partie du travail. En même temps, moi je le fais beaucoup par motivation intrinsèque, là, tu sais. C’est une passion. Fais que c’est sûr qu’il y a des émotions là-dedans. Fait qu’il faut que j’essaie de voir quelle émotion, et où je la mets, tu sais. Quand je fais de la défense de droits, je trouve que c’est une belle manière de gérer cette émotion-là  tu sais : d’aller vraiment vers les solutions, pas vers le problème… d’avancer. C’est le fun pour moi, tu sais, de continuer d’avancer et de voir les solutions, mais c’est aussi plaisant pour les personnes qui sont entourées de problèmes de penser que oui, il y en a une solution. Puis, il y a des droits à défendre, il y a des revendications à faire. Tu sais, t’as le droit d’être défendue parce que tu es une personne comme une autre. C’est ça qui m’aide vraiment à mieux canaliser cette émotion-là, c’est de la changer un peu en motivation, en quelque chose qui m’aide à aller vraiment défendre les revendications des personnes qui consomment. 

Narrateur : 

Malheureusement, le nombre de décès dus à la consommation d’opioïdes au Canada continue d’augmenter chaque année. Cette crise affecte la santé et la vie de gens de tous les horizons, de tous les groupes d’âge et de toutes les situations économiques. Elsa nous fait part de ses idées pour aider à réduire le nombre de surdoses liées aux opioïdes et sauver des vies. 

Elsa : 

Je pense qu’on doit espérer des changements autant structurels que législatifsaussi un changement au niveau de l’investissement implanté dans la répression et la prohibition qui a démontréqu’aucune des mesures mis en place jusqu’à maintenant ne semble réduire les taux de mortalité de manière conséquente. En ce moment, le cadre législatif au niveau des substances ne nous permet pas de sauver des vies, et surtout criminalise toute une communauté de personnes. Faut se rappeler qu’un consommateur de drogues illicites est encore considéré comme un criminel au Canada. Mais est-ce que c’est vraiment des criminels ? Si on les considère comme des criminelsqu’on les envoie en prison, est ce qu’on est vraiment en train de promouvoir leur santéest-ce qu’on les aide vraiment ? C’est des personnes tout comme vouspuis si un jour vous vous retrouvez en situation précaire, que vous consommez et que ce soit problématique ou non, je suis convaincue que vous ne voudriez pas qu’on vous voie comme un criminel. Je pense vraiment qu’il faut agir puis pas oublier aussi la source du problème. Au-delà de la criminalisation, il y a vraiment une problématique au niveau de l’approvisionnement en substances. 

En ce moment, l’approvisionnement en drogues contaminées, soumises à aucun contrôle de qualité, c’est un facteur déterminant des décès par surdoses puis c’est aussi ce qui empêche pas la personne de consommer. La contamination des drogues est dangereuse, pourquoi ? Parce qu’on pense que c’est les drogues de rue, les consommateurs de rue, qui sont à risque, mais nous savons que ceux qui consomment ne proviennent pas tous de ce milieu, et ceux qui ne proviennent pas de ce milieu, peut-être qu’ils ne connaissent pas les ressources. Dans le fond ils pourraient se retrouver par exemple, dans une situation où, une fin de semaine décident de consommer de la cocaïne de manière récréative (ce qui arrive quand même, on ne peut pas se le cacher), sans penser peut-être qu’elle serait contaminée, sans savoir que des organismes distribuent des tests pour détecter la présence de fentanyl, donc ils sont à risque de surdoses, et n’ont peut-être même pas en main l’information nécessaire pour éviter ce genre de situation. Si je vous pose la question : si vous consommez 2 fois par année, est-ce que vous avez vraiment pensé à avoir votre trousse de naloxone avec vous ? L’approvisionnement en drogues contaminées, et la criminalisation de cette consommation vous mets à risque de surdoses et vous étiquètent comme un criminel. Il faut des changements et des changements rapides, parce que les décès se comptent aujourd’hui par milliers. 

J’ai eu l’immense privilège de travailler avec une personne qui encore aujourd’hui m’épate dans son cheminement. Je l’ai vu grandir et reconnaître ses forces, dans toutes les opportunités d’implication qu’elle a eues. La vérité c’est que cette personne-là m’a tellement appris sur moi-même. Avec la lourdeur de son vécu, les larmes lorsqu’elle me l’a partagéc’est impressionnant de voir à quel point l’être humain peut s’adapter en mode survie, et comment, aussi il peut se rétablirAujourd’hui, avec son vécu, son expertise, elle prend parole pour défendre ceux qui ont passé par le même chemin qu’elle. Je pense que ce qui est important -dedans, c’est qu’il y a de l’espoir dans chaque histoire… faut simplement voir le positif dans les détailsparce que si on n’y croit pas nous-mêmes, on n’aide pas la personne à s’accorder une valeur et à se faire confianceC’est probablement auprès d’elle que j’en ai appris le plus. 

Narrateur : 

La vie de plusieurs Canadiens est dévastée par la consommation problématique d’opioïdes. Les statistiques sont tragiques et sidérantes. Derrière ces statistiques, il y a des gens. Cette crise a un visage. C’est celui d’une amie, d’un collègue, d’un proche. Quand on regarde dans les yeux d’une personne touchée et qu’on voit son propre reflet, c’est par là que commence l’élimination de la stigmatisation qui empêche souvent les gens qui consomment de la drogue d’obtenir de l’aide. Pour en savoir plus sur la crise des opioïdes, rendez-vous au Canada.ca/Opioides. 

Cette série audio est produite par Santé Canada. Les opinions exprimées par les personnes qui témoignent pendant cette émission sont celles de ces personnes et non celles de Santé Canada. Santé Canada n’a aucunement validé l’exactitude des propos entendus pendant l’émission. Reproduction de ce contenu, en tout ou en partie, à des fins non commerciales est permise.